Peux-tu chasser le vent des arbres
Tourner la page des oiseaux
Interdire qu'il saigne au marbre
Annuler le pacte des eaux
Arrêter la trame de l'ombre
Réfuter la trêve des rues
Et retenir l'escadre sombre
Des nuages qui sont sans but
Et qui redonnera confiance
A l'aveugle qui fut trompé
Et à ce mendiant d'espérance
Qu'un rire aura fait trébucher
A qui une femme a donné
En riant au bonheur la chance
Et il s'y est abandonné
Et au beau rire de l'absence
Je t'attendrai comme on se venge
Comme l'incendie dans l'été
Comme un mal court dans la vendange
Ou la pluie chante sur le blé
Mais j'ai vu le sang plein les arbres
J'ai vu les yeux mentir-aimer
Dans ma nuit court une lézarde
Mes maquis ! Mes déshérités,
Je vous rassemble, je vous arme,
La nuit, je vous envoie creuser
La blessure bleue d'une larme
Au ventre de la femme aimée
Chaque nuit la douleur du songe
Mobilise mes guerriers noirs
Et un cancer d'argent me ronge
Tu passes tout près sans me voir,
Barque floue, robe dans l'eau, moire,
Et ton rire vers le soir fuit
Vers à l'envers l'éclair en Loire
Au crépuscule où tu t'appuies.
T'en souvient-il ? Le quai, le fleuve,
La première larme donnée,
Si longtemps d'attente, et la neuve
Larme, la vie abandonnée...
Je t'attendrai. Mille ans peut-être.
Derrière les hauts murs du mal.
La chanson triste des fenêtres
Et l'amas des violons du bal,
C'est moi, ce sera moi, la voûte
Des appels dans ton âme ! Fuis !
Je te poursuis. Mille ans. Nos routes,
Toutes nos vies. Toute la nuit.
J'aurai mis des mots plein le temps
Pour bloquer les ponts, les passages.
Je suis la vengeance et la rage.
Bien sûr, je t'attendrai mille ans !