Les marins qui meurent en mer
Et que l'on jette au gouffre amer
Comme une pierre,
Avec les chrétiens refroidis
Ne s'en vont pas au paradis
Trouver saint Pierre !
Ils roulent d'écueil en écueil
Dans l'épouvantable cercueil
Du sac de toile.
Mais fidèle, après le trépas,
Leur âme ne s'envole pas
Dans une étoile.
Désormais vouée aux sanglots
Par ce nouveau crime des flots
Qui tant le navre,
Entre la foudre et l'Océan
Elle appelle dans le néant
Le cher cadavre.
Et nul n'a pitié de son sort
Que la mouette au large essor
Qui, d'un coup d'aile,
Contre son cœur tout frémissant,
Attire et recueille en passant
L'âme fidèle.
L'âme et l'oiseau ne font plus qu'un.
Ils cherchent le corps du défunt
Loin du rivage,
Et c'est pourquoi, sous le ciel noir,
L'oiseau jette avec désespoir
Son cri sauvage.
Ne tuez pas le goéland
Qui plane sur le flot hurlant
Ou qui l'effleure,
Car c'est l'âme d'un matelot
Qui plane au-dessus d'un tombeau
Et pleure... pleure !