Le corsaire Le Grand Coureur
Est un navire de malheur
Quand il se met en croisière
Pour aller battre l’Anglais,
Le vent,la mer et la guerre
Tournent contre le Français!
Allons les gars,gai,gai!
Allons les gars,gaiement!
Il est parti de Lorient
Avec belle mer et bon vent
Il cinglait bâbord amure
Naviguant comme un poisson;
Un grain tombe sur la mâture,
Voilà le corsaire en ponton!
Il nous fallut remâter
Et diablement bourlinguer ,
Tandis que l’ouvrage avance
On aperçut par tribord
Un navire d’apparence
A mantelets de sabord!
C’était un Anglais vraiment
A double rangée de dents
Un marchand de mort subite,
Mais le Français n’a pas peur;
Au lieu de prendre la fuite
Nous le rangeons à l’ honneur!
Ses boulets sifflent sur nous;
Nous lui rendons coup pour coup,
Tandis que la barbe en fume
A nos braves matelots
Nous voilà pris dans la brume
Nous échappons aussitôt!
Pour nous refaire des combats,
Nous avions à nos repas,
Des gourganes et du lard rance,
Du vinaigre au lieu de vin,
Le biscuit pourri d’avance
Et du camphre le matin!
Nos prises au bout de six mois
Ont pu se monter à trois:
Un navire plein de patates,
Plus qu’à moitié chaviré,
Un autre plein de savates,
Un troisième de fumier!
Pour finir ce triste sort,
Nous venons périr au port
Dans cette affreuse misère,
Quand chacun s’est cru perdu,
Chacun,selon sa manière
S’est sauvé comme il a pu!
Le capitaine et son second
Se sont sauvés sur un canon;
Le maître sur la grande ancre;
Le commis sur son bidon.
Oh!le triste et vilain congre,
Le voleur de ration!
Il eut fallu voir le coq
Avec sa cuiller et son croc.
Il s’est mis dans sa chaudière
Comme un vilain pot au feu.
Il au couru vent arrière,
Il a pris terre à l’Ile-Dieu!
De notre horrible malheur,
Le calfat seul est l’auteur;
En tombant de la grande hune
Dessus le gaillard d’avant,
A rebondi dans la pompe,
Défoncé le bâtiment!
Si l’histoire du Grand Coureur
A pu vous toucher le cœur,
Ayez donc belles manières
Et payez-nous largement,
Du vin,du rack,de la bière
Et nous serons tous contents!