Vous avez demandé le programme,
Messieurs et Mesdames.
Savez vous pourquoi on se l'arrache?
C'est pour faire une bonne protection
Contre la pluie de postillons
Que je vais semer à tout vent,
Notamment sur les premiers rangs,
Mais rassurez vous, mes amis:
Je serai la première servie,
Surtout qu'avant d'entrer en scène,
Victime d'une envie soudaine,
J'ai pris une glace à la pistache.
Sortez les bâches:
Moi, faut que je me tache.
Au grand dam de ma costumière,
Mon habit de lumière,
C'est de l'aquarelle et de la gouache.
Pendant que je chante, elle, elle sulfate,
Elle brandit son eau écarlate,
Son trichlo et sa bonexine,
Ses dégraissants et ses rustines.
J'ai beau lui dire: "Faut que tu me pardonnes.
Tout ça, c'est la faute à Newton."
Désormais, pour que je reste intacte,
Elle a fait supprimer l'entracte.
J'aurai même plus droit au goulasch
Les jours de relâche
Pour pas que je me tache.
On me voit pas dans les soirées snobs
Où y'a des belles robes
Pour les photos dans Paris-Match.
A chaque fois que j'ai essayé,
Ça s'est pas très bien terminé.
Y avait sur mon tailleur Lanvin
Le menu et la carte des vins.
Faut dire que les gens du show biz
Me font tant marrer avec leurs bises,
Leurs: "Ma chérie, faut qu'on se voie."
"Géniale, ta chanson.", n'importe quoi.
Même la bouche pleine, dès qu'y a un flash,
Je pouffe, je crache
Et vlan! Je me tache.
Après-demain, dans ma vie posthume,
Je changerai de costume
Avec élégance et panache.
Je hanterai, matin et soir,
Olympia, Zénith ou Chat Noir.
Vous reconnaîtrez mon fantôme,
Celui dont le drap est polychrome.
Si quelque adepte du crucifix
Me sanctifie, me béatifie,
L'auréole de Sainte Juliette,
Je l'aurai pas au-dessus de la tête.
Même au ciel pour changer macache
Et paf et splash,
Moi, faut que je me tache.