Qu'est-ce qui fait, que certains soirs,
Je puise à la gourde
Embaumée de ma mémoire,
Maigre et pourtant lourde ?
Qu'est-ce qui fait que, malgré moi,
Je cherche alors
Le chemin de nos faux pas,
De Berlin jusqu'à mon désarroi ?
C'est-y la peur de voir venir
A reculons les années pires
Et leur fanfare de têtes de mort
Ravageant le rêve où je dors
Comme une armée de doryphores ?
Voici revenir les années pires.
C'est-y l'ennui d'avoir à boire
Le mauvais vin des années noires,
Moi qui ne suis là que pour rire.
Du tendre berceau du départ
Au rideau rouge de mes espoirs,
J'ai toujours voué au musée de cire
Les années pires.
Qu'est-ce qui me pousse à saouler
La lucidité
Dans les alcools irisés
Des futilités ?
Qu'est-ce qui fait que je rédige
D'une plume légère
Sur des courbes callipyges
Des pensées qui font de la voltige ?
C'est-y la peur d'avoir à lire
Au temps présent les années pires
Dans un tourbillon d'étendards ?
Autodafé de grand bazar,
Démagogie de hall de gare,
Voici revenir les années pires.
C'est-y l'ennui de se taper
En file indienne les bêtisiers
De l'arrogance, du repentir.
C'est pourtant clair et répété :
Elles font du mal, elles font pleurer.
Laissez-les pourrir au musée de cire,
Les années pires.
C'est-y la peur d'avoir à dire
Qu'elles font sourire, les années pires
Des ingénus, des revanchards,
Caressant d'une main de fer
Les barbelés de notre histoire,
Souhaitant voir rev'nir les années pires ?
C'est-y la honte d'avoir à voir
La crudité des années noires,
Moi qui n' sait que dire et redire,
En ayant connu de la guerre
Que la mort en documentaire ?
J'ai toujours voué au musée de cire
Les années pires,
Voué au musée de cire
Les années pires.
À jamais, vouez au musée de cire
Les années pires.