Laissez-moi, laissez-moi passer,
Car je vais voir Gaby, ma belle
J'ai rendez-vous, je suis pressé,
Elle m'attend dans la venelle,
Amoureusement et sans bruit,
Sous l'œil indiscret de la lune,
Quand lentement sonne minuit
Dans mes bras je berce ma brune
[2 heures sonnent]
Deux heures, c'est fini, ma mie
Ne viendra pas, elle est partie
Triste soirée
Femme adorée
Entre mes bras
Pourquoi ne viens-tu pas ?
Je veux ta bouche
Tendre et farouche,
Ton corps soyeux
Dont je suis amoureux,
Je ne peux vivre un seul jour,
Ô ma Gaby, sans ton suprême amour !
Mais pourquoi ne puis-je avancer ?
A mes pieds on a mis des chaînes,
C'est elle, je la vois passer
Là-bas, en cette île lointaine,
Dans un bateau de nacre et d'or,
Se dirigeant vers Carthagène.
Grand et fier comme un matador,
Pour l'aimer mon rival l'emmène
[3 heures sonnent]
Trois heures, c'est fini, ma mie
Ne viendra plus, elle est partie
Triste soirée
Femme adorée,
Entre mes bras
Pourquoi ne viens-tu pas ?
Ah ! Je t'implore
Toi que j'adore,
Rends-moi tes yeux,
Miroir de mes aveux.
Je ne peux vivre un seul jour,
Ô ma Gaby, sans ton suprême amour !
Que vois-je donc à l'horizon
Dans la brume maussade et grise,
Vers le point de déclinaison,
Est-ce un phare ou bien une église ?
Pourquoi tous ces gens en habit ?
Un voile, une cérémonie ?
Ah ! la gueuse ! Elle ma trahi !
C'est Gaby, elle se marie !
Carillons, sonnez pour ma mie
Dont l'amour a fait ma folie !
Triste hyménée,
Femme adorée,
Un autre hélas
Te serre dans ses bras.
Puisque je t'aime
Plus que moi-même,
Las de souffrir,
Pour toi, je veux mourir.
Je ne peux vivre un seul jour,
Ô ma Gaby, sans ton suprême amour !