C'était une gosse abandonnée
Recueillie par des bohémiens
Pauvre enfant, tendre fleur fanée,
Battue et traitée comme un chien
Depuis déjà bien des semaines
Elle s'en allait, craignant les coups,
Danser dans les fêtes foraines
Afin de rapporter des sous
Mais son rire moqueur
Cachait souvent des pleurs
On l'appelait "Fleur de misère"
Petit ange aux grands yeux profonds,
Dans une roulotte, à la barrière,
Elle était l' jouet des vagabonds
Parfois, dans ces heures amères
Elle songeait aux p'tits enfants
Bercés, choyés par leur maman
On l'appelait Fleur de misère
Cependant, un clown, un Paillasse
La rencontra sur son chemin
De ses parents prenant la place,
Dans l' malheur, lui tendit la main
Mais bientôt, comme elle dev'nait femme,
Doucement, sans qu'il s'en doutât,
L'amour se glissa dans son âme
Et sans l' vouloir son cœur parla
Près d'elle, en la berçant
Il disait tendrement
Ma jolie p'tite Fleur de misère
C'est fini, j' veux plus t' voir pleurer
Oublie les chagrins éphémères
Ne pensons qu'à nous adorer
Je veux, par un amour sincère,
Chasser tes soucis, ton émoi
Jamais je n'aimerai que toi,
Ma jolie p'tite Fleur de misère
Mais une vie d' malheur pour tout gage
Ça n' peut pas durer bien longtemps
Pour l' cimetière, elle fit l' grand voyage
Par un joli matin d' printemps
Sur la tombe de la pauvrette
Le clown, loin des r'gards d'alentour,
Déposa un bouquet d' violettes
Bouquet d' deux sous, bouquet d'amour,
Maudissant le trépas, il murmura tout bas
Pauvre petite Fleur de misère
J' rêvais pour toi des jours heureux
Mais, vois-tu, l' bonheur sur la terre
C' n'est pas fait pour les miséreux,
Dans une dernière prière
Reçois ces fleurettes, tes sœurs,
Ce bouquet-là, c'est tout mon cœur
Adieu, ma p'tite Fleur de misère.