T'en souviens-tu, Djamel, quand tu as débarqué?
Les cousins t'avaient dit que c'était la terre promise.
On t'a pris tes papiers, on t'a déshabillé.
T'as attendu des heures sans même une chemise.
Te souviens-tu, Djamel, des regards de mépris
Des autres voyageurs quand tu as pris le train?
Toi, tu voulais sourire et tu n'as pas compris
Que c'était le commencement d'un nouveau quotidien.
Te souviens-tu, Djamel, du patron de bistrot
Qui t'a refusé une bière, un soir, rue des Abbesses.
Comme tu ne te fâchais pas, que tu demandais de l'eau,
L'a fait sortir son chien de sous le tiroir-caisse.
Te souviens-tu, Djamel, du soir où tu t'es fait
Casser bêtement la gueule par une bande de tondus?
Il y a des beaux quartiers qu'il vaut mieux éviter
Quand on n'est pas comme ceux qui possèdent les rues.
Te souviens-tu, Djamel, des boulots des débuts:
Balayeur, éboueur, manoeuvre sur les chantiers
Et la gamelle froide et la chambre exigüe?
Te voilà installé mais tout n'a pas changé.
Maintenant, tu sais, Djamel, quand tu passes au péage
D'une autoroute, que tu vas te faire arrêter.
Les flics, c'est bien connu, respectent les usages:
L'usage veut qu'on contrôle plutôt les gens bronzés.
Et tu verrais, Djamel, si tu venais chez moi,
Le temps qu'il te faudrait pour passer la frontière
Avec tes cheveux longs, ton accent de là-bas.
Faut dire que tu n'as pas l'allure d'un homme d'affaires.
On pourrait continuer, Djamel, t'en souviens-tu?
Les sarcasmes des filles, la haine des parents.
Ce que je voulais dire, c'est simplement salut
A toi et à tous ceux que l'on dit différents.
Ce que je voulais dire, c'est simplement salut
A toi et à tous ceux que l'on dit différents.