J'ai garé ma mobylette
Devant l'entrée des artistes
J'ai laissé la porte ouverte
Pour avoir un œil sur elle.
Il faudrait pas qu'on profite
Que j' suis en train d' vendre ma cam'lote
Pour s' débiner sur ma chiotte.
J'ai beau mettre des antivols,
Ça fait la neuvième qu'on m' pique,
Ça fait la onzième que j' vole.
Quoi ?
Qui c'est qui dit qu' c'est pas vrai ?
Toi ?
Bah t'as raison mon pote.
J'ai jamais eu d' mobylette
Ou alors quand j'étais p'tit,
Et j' l'avais acheté avec les ronds d' mes économies.
Laisse béton, j' démystifie.
Non, maintenant j'ai une Harley,
Une grosse qu'a un grand guidon, une grande fourche, une grande roue
Un grand trou dans mon budget.
Ma bécane, c'est comme un ch'val.
Ça tombe bien, j' suis conçu pour :
Elle est faite pour épouser la forme de mes jambes arquées.
Sans blague, t'avais pas r'marqué ?
Avec elle, j' suis un cow-boy,
J' suis shérif dans mon quartier.
Porte d'Orléans, j' fais la loi.
Par ici on y croit pas.
Dans l' quartier, on m' traite de goye.
C'était pour rimer avec cow-boy.
Et tous les apaches de Paris
Qu'y m' voient passé sur ma bête,
Y s' fendent la gueule : c'est pas gentil.
Laisse béton, j' démystifie.
J'ai laissé mon perfecto
Derrière, dans la coulisse,
Accrochée au portemanteau
Et pis j'ai eu peur qu'i' glisse
Entre les doigts du tôlier que
Bien qu' ce soit un brave mec,
Qu' aimerai bien m' le chouraver.
Alors j' viens sur scène avec.
Là, j'ai un insigne SS,
L'initiale de ma gonzesse,
Que c'est même pas ma gonzesse,
C'est la femme à mon copain,
Que c'est même pas mon copain.
Parce que moi j'ai pas d' copains,
Pas d'amis, pas d' parents, pas d' relations.
Ma famille c'est la prison,
Mon copain, c'est mon blouson, c'est mon surin.
Quoi ?
Qui c'est qui dit qu' c'est pas vrai ?
Toi ?
Bah t'as raison mon pote.
Des copains j'en ai des tonnes
Toutes les nuits dans tous les rades,
Tous les paumés, tous les ivrognes,
Tous les fous, tous les malades,
Qui devant un perroquet, une Kanter ou un p'tit joint
S' déballonnent dans un hoquet,
Et r'font l' monde à leur image.
Tous ces mecs c'est mes copains.
Touche pas à mon copain.
" Sort dehors si t'es un homme ! "
Moi, euh, dans ces cas là, j' sors pas.
Dans ma tête, j' suis pas un homme,
Dans ma tête, j'ai quatorze ans ;
Dans les muscles aussi d'ailleurs.
J' parlais des muscles des bras.
" Eh, tu veux m' casser la tête ?
Bah qu'est-ce t'attends ? Vas-y ? "
Laisse béton, j' démystifie.
Sur l' bras droit, j'ai un tatouage :
Y a une fleur, y a un oiseau, qui s'envolera plus jamais,
Pis y a l' prénom d'une souris. Une souris qu'est tellement belle,
Qu'i' faudrait qu' j' m'appelle Verlaine pour trouver les mots pour la décrire un peu,
Mais j' vais essayer quand même.
Dans ces yeux, y a tant d' soleil,
Que quand elle me r'garde, je bronze.
Dans son sourire, y a la mer,
Quand elle me parle, je plonge.
Quand j' s'rai grand, on s' mariera,
Pis on aura plein d'enfants,
Même que ce s'ra un garçon,
même qu'i' s'appellera Pierrot.
" Eh !Laisse moi fermer les yeux, Ouais, laisse moi rêver un peu. "
Sur l' bras gauche y' en a un autre :
Un poulbot qui a une gueule d'ange
Et qui joue d' l'accordéon.
Pis en d' sous y a mon prénom.
Euh, y'en a qu' ça dérange ?
Dans l' dos, j' voulais faire tatouer un aigle,
aux ailes déployées,
On m'a dit : " Y a pas la place.
Nan, t'es pas assez carré, alors t'auras un moineau. "
Eh, y a des moineaux rapaces.
Ça fait marrer mes conneries ?
Laisse béton, j' démystifie.
Bon c'est l'heure, moi j'ai fini,
J' vous voie tout à l'heure au bar,
J' vais m' jeter un p'tit Ricard,
Et ça, c'est pas des conneries.