J'ai troqué mes chaussettes blanches
Contre des bas noirs
Et mon sarrau du dimanche
Contre de la moire,
Mon doux regard d'infante
Et mes allures guindées
Pour des regards d'amante,
Pour des airs encanaillés.
Les matinées enfantines
Où l'on bousculait Chopin,
Les réunions de cousines
Autour d'un fuseau de lin,
Les petites bonnes à tout faire
Que mon père affectionnait
Et les amants de ma mère
Qui s'installaient pour l'année,
Ben, j'en ai eu assez.
J'ai troqué mes chaussettes blanches
Contre des bas noirs
Et mon sarrau du dimanche
Contre de la moire
Et ce besoin de tendresse
Que je trimballais
L'ai changé pour des caresses,
L'ai changé pour des baisers.
J'ai quitté le vieux domaine
Où mes rêves agonisaient,
Mon titre de châtelaine
Sans soupirs et sans regrets.
La rue qui est une grande famille
N'a pas hésité.
Elle a fait de moi sa fille,
Elle m'a adopté.
Elle a transformé en rires
Mes airs tristes d'autrefois.
Elle m'a changée, on peut le dire.
Me voilà fille de joie.
J'ai troqué mes chaussettes blanches
Contre des bas noirs
Et mon sarrau du dimanche
Contre de la moire...