Sœur Anne, ne vois-tu rien venir ?
Je vois des soldats couverts d'armes,
Tout prêts à mourir et à tuer.
Partout, je ne vois que des larmes.
Le monde semble s'y habituer.
Je vois, plus violente que la peste,
La haine couvrir l'horizon.
Les hommes se déchirent, se détestent.
Frontières, mitrailleuses, prisons,
L'amour, qui n'a plus rien à faire,
Viens de nous quitter à son tour.
Sur terre, il était solitaire.
L'amour a besoin de l'amour.
Sœur Anne, ne vois-tu rien venir ?
Je vois des enfants sans leur leur mère.
Je vois des parents sans enfants
Et des paysans sans leurs terres.
Je vois des terres sans paysans.
Je vois des grandes maisons vides
Et de grands vides dans les maisons,
Des gens au visage livide
Qui marchent sans chanter de chansons,
Des hommes qui essaient de sourire,
Des femmes au regard si peureux,
Des vieux qui ne savent plus rire,
Des jeunes qui sont déjà vieux.
Sœur Anne, ne vois-tu rien venir ?
Je vois une grande lumière
Qui semble venir de très loin.
Je vois un enfant et sa mère.
Mon Dieu, qu'ils sont loin, qu'ils sont loin...
Voici qu'ils s'approchent de la terre.
L'enfant a grandi, je le vois.
Il vient partager nos misères.
Déjà, il apporte sa croix.
Bientôt, sa divine colère,
Chassera le démon pour toujours.
Bientôt reviendra sur la terre
La vie, la pitié et l'amour.
Sœur Anne, quand va-t-il revenir ?...