Une gare, un train qui s'en va
Elle reste à quai, plantée là
Comme un rocher mélancolique
Sur une plage désertique
Ou dans un ciel à marée basse
Avec des nuages qui passent
Du côté de Maine-Montparnasse
Depuis elle déteste les gares,
Les arrivées et les départs,
La solitude dans la foule
Et ses pauvres larmes qui coulent
Dans ses deux mains, devant sa face,
Du côté de Maine-Montparnasse
Elle ne sait plus lire les heures
Au cadran figé de son cœur
Car le temps ne veut plus rien dire,
Est-ce le passé, est-ce l'avenir
Qui la poursuit, qui la dépasse
Tandis qu'elle tourne sur place
Du côté de Maine-Montparnasse ?
Elle n'aime plus non plus le goût
Du café noir qu'on boit debout
Devant l'évier d'une cuisine
Ou sur un comptoir anonyme,
En regardant les gens qui passent
Du côté de Maine-Montparnasse
Dans sa poche, elle serre un poème
Couvert de fleurs et de «Je t'aime»
Et c'est sa seule identité,
Cette carte postale fatiguée
Et ces mots d'amour qui se froissent,
Qui se diluent et qui s'effacent
Du côté de Maine-Montparnasse
Elle ne fait plus la différence
Entre le bruit et le silence
Elle a juste au fond de sa tête
L'écho d'une voix qui lui répète
«Rendez-vous au café d'en face,
Du côté de Maine-Montparnasse»
Mais au rendez-vous de la gare
Il n'y avait, quai du départ,
Qu'un train s'éloignant dans la nuit,
Emportant l'amour et la vie,
Ne laissant qu'une ombre fugace
Comme un reflet sur une glace
Du côté de Maine-Montparnasse
Il y a des gens sur le boulevard
Et chacun s'en va quelque part
Elle, où va-t-elle ? Elle ne sait plus,
Elle traîne comme un chien perdu
En remontant toujours la trace
Qui la mène à Maine-Montparnasse.