J'aime les passages à niveau
Et leurs maisons sous le lierre.
J'aime cueillir des coqu'licots
Sur la bouche des garde-barrières.
J'aime les disques et les signaux
Et les poteaux télégraphiques
Et, quand je suis sur mon vélo
Dans la campagne magnifique,
Je fais la course avec le train.
Pour ça, je m'lève de bon matin
Voir des visages ensommeillés
Que le p'tit jour a réveillés.
Tous ces visages sont mes amis.
Leurs yeux me parlent de Paris
Et, gentiment, je leur souris,
Je leur souris beaucoup beaucoup.
J'oublie la route et, tout à coup,
Je m'casse le nez sur un caillou.
Je fais la course avec le train,
Oui, mais le train est déjà loin.
J'connais un train bien plus p'tit.
Les vaches aussi le préfèrent.
Il ne passe que le samedi
Mais ce jour-là, faut l'voir faire.
Un jour, de beaux yeux m'ont souri.
C'étaient deux grands yeux bleus d'province
Et deux petites mains m'ont dit :
"Montez, montez, mon gentil prince."
J'ai fait la course avec le train
Et j'ai fait la course avec le train,
Et j'ai compris, compris soudain,
Que je courais après l'amour,
Après l'bonheur, depuis toujours.
J'attends un cœur, deux yeux aussi,
Des yeux d'ailleurs, ou bien d'ici.
J'attends qu'ils me disent : "Nous voici."
"Montez, montez", diront les mains.
"Montez aujourd'hui ou demain."
Pour les trouver sur mon chemin,
Je fais la course avec le train
Et c'est un beau voyage sans fin, sans fin, sans fin.