C'était une petite musique
Qui naquit un jour d'printemps,
De murmures nostalgiques,
D'un ruisseau d'or et d'argent.
Elle partit dans la nature,
Portée sur l'aile des épis.
Les oiseaux dans la ramure
L'écoutèrent avec plaisir.
Un rossignol dit : "Quelle chance !
Elle est dans ma voix.
J'vais porter cette romance
Par dessus les toits."
Avec elle, vite, il s'envole
En songeant : "Cet air béni
Mérit'rait bien des paroles,
Des paroles de génie.
Je connais un grand poète
Qui vit seul dans la forêt.
Il fait même une drôle de tête,
Il est romantique à souhait.
Je vais chanter ma musique
A ce vieil ami
Pour qu'il la rende poétique.
Ce soir, à minuit,
Il trouv'ra une belle histoire,
Un amour qui fait rêver.
Tout le monde voudra y croire
Comme si c'était arrivé."
Mais hélas, le grand poète,
Depuis peu, n'vivait plus là.
Il était dev'nu vedette
De télé et d'cinéma.
Il tournait des pellicules
Au cœur d'Hollywood
Et, Boul'vard du Crépuscule,
On disait "is good !"
Quelle ne fut pas la détresse
De notre ami rossignol.
Il en conçut tant d'tristesse
Qu'il perdit son si bémol.
La forêt fut si lointaine
Et l'oiseau si fatigué
Qu'il mourut le cœur en peine
Dans un bois du Lauraguais.
C'est alors qu'un chat sauvage
Vint manger son cœur
Toutes les bêtes du voisinage
En frémirent d'horreur...
C'est ainsi qu'finit, tragique,
L'histoire du bon rossignol
Et de la petite musique
Qui jamais n'eut de paroles.
Pauvre petite musique !