Je vois que ton regard m’évite
Tu ne me réponds pas, Judith
Quel est cet orage soudain
Alors que nous étions si bien?
Je sens s’élever la barrière
Qui, si souvent, me désespère
Nous avons tant pleuré déjà
Quand nous ne le méritions pas
Oh, n’attise pas ce chagrin!
Qu’ai-je fait pour que sous ma main
La tienne fuie et me résiste?
À quoi nous sert d’être aussi tristes?
Je voudrais penser à demain
Oh
Tu ne comprends pas, Roméo
J’ai la tristesse sous la peau
Le sang de mon peuple s’indigne
Et je ne peux pas oublier
Que tu descends en droite ligne
De ceux qui l’ont persécuté
Mon amour me semble parjure
Et je sens bien que la blessure
Ne guérira pas de sitôt
Pardon si je te semble dure
Je ne pourrai pas, Roméo
Cette peine que tu abrites
Je la partage tant, Judith
J’ai souffert du mauvais côté
Dans mon enfance dévastée
Mais dois-je me sentir coupable
Et ce qui fut impardonnable
Et que je ne pardonne pas
Pourquoi le rejeter sur moi?
Je veux bien prendre les remords
Et si nous échangions nos morts
Sur moi la honte s’accumule
Le sang que je porte me brûle
Je ne peux me l’ôter du corps
Oh
Tu ne pourras pas, Roméo
Faire que le sang de l’agneau
À tout jamais ne rejaillisse
Sur le loup et sur sa tribu
Avant que ce sang refroidisse
Il faudra des siècles de plus
Les miens ne pourraient pas entendre
Ce que ton discours a de tendre
Ils seraient blessés par les mots
Bien avant que de les comprendre
Je t’aime pourtant, Roméo
Les souvenirs que tu agites
Je les connais si bien, Judith
Même s’il me semble parfois
Qu’on ne m’en laisse pas le droit
Je sais qu’il faut qu’on se souvienne
Mais ce qui pousse sur la haine
Pousse dans un mauvais terreau
L'histoire ne le dit que trop
Va, si tu m’aimes, n’aie pas peur
De trahir ta juste douleur
Empêchons que ça recommence
Je ne suis loup que de naissance
Je ne le suis pas dans le cœur
Oh
Je veux essayer, Roméo
De ne pas laisser le fardeau
De cette peine qui remonte
M’empêcher de te secourir
T’aider à porter cette honte
Et tâcher de ne plus souffrir
Et si l’amour entre deux êtres
N’arrive pas à faire naître
L’espérance d’un renouveau
Nous n’avons plus qu’à disparaître
Et je veux vivre, Roméo!