A qui n'a pas connu l'amour,
N'a pas aimé,
A qui n'a pas touché
Ses lèvres embaumées,
N'a pas senti sur lui
Son regard lourd,
Ses yeux de maladie,
De fièvre désarmée.
A qui n'a pas touché du doigt
La plaie profonde,
La déchirure de l'être aimé
Que tout inonde,
L'or qu'est devenu
Sans qu'on l'ai voulu
Le quotidien des choses
De la banalité,
Comme une plante arrachée
A la terre, au fumier,
Comme une main
Qu'on a lâchée
Mais c'est sans doute là-haut,
Dans la félicité,
Que ceux là seront atteints
De cécité
Et réunis sans devoir se cacher,
Aveugles sur le monde
Et sur sa cruauté
Comme une fleur arrachée
A la terre, au fumier,
Comme une main
Qu'on a lâchée.
A qui n'a pas subi sur lui
Cette caresse,
A qui n'a pas touché du doigt
Cette herbe épaisse
Qui frissonne et se courbe
Comme avant
Mais ces trous sont ses yeux
Par où passe le vent
Et tout ceci finit par m'être indifférent.
Peut-être disparaître
Dans le pli du néant,
D'avoir été ensemble,
De n'être plus
Que ce qui dans les larmes
Et dans l'eau se dilue
Comme une plante arrachée
A la terre, au fumier
Qui par sa tige reste attachée
Et ne peut ni grandir ni périr ni passer,
Simplement dépérir,
A qui n'a pas aimé.