Allez! Attelons
Mon bel étalon
Et partons pour l'Argentine,
Laissons ces frelons,
En chapeaux melons
Bourdonner à leur cuisine!
Si on croit que c'est,
Pour cause de décès,
Qu'aujourd'hui, je mets les voiles,
On n'aura pas tort:
Je vais faire le mort
Plus loin que le Portugal...
Je veux essayer
D'un peu oublier
Tout ce vacarme infernal,
Les banques et l'or
Et les coffres-forts
Et le drapeau national!
Mais v'là qu'on m'attrape,
Au fond d'une trappe,
Entre Hambourg et Honfleur,
Qu'on veut mes papiers,
Qu'on m'ordonne d'avouer
Mes détournements d'mineures,
Mes vingt-deux nourrices,
Mes postes de police
Et toutes les preuves par quatre
Qu'j'suis pas Jean-Baptiste,
En plus on insiste
A me faire fouetter et battre!
Et pour qu'on m'gracie,
Faut qu'je dise "Merci
Et encore pardon, mon brave",
Faut qu'j'me fasse tout p'tit,
Souriant, soumis,
Faut que je me fasse esclave!
Puis, me v'là r'parti,
Sur la pointe des griff'es
Faut toujours partir en douce,
Dans le vent, la pluie,
Déçu et meurtri,
Me voilà à Vera-Cruz...
Je cherche un abri,
Je cherche une amie,
Quelques accords de guitare,
Tout est déjà pris,
Acheté, sali:
Une métisse pour un dollar!
Me v'là galopant,
D'Asie en Orient,
Et des Indes en Amérique,
Je n'ai plus de dents,
J'ai perdu mon sang,
J'ai perdu mon sens critique...
Allez! Revenons,
Mon bel étalon,
Vers le métro Argentine,
J'ai mis sur mon front
Mon plus beau melon,
J'viens r'goûter à vot'cuisine,
Si on croit que c'est
Pour cause d'insuccès,
Qu'aujourd'hui j'rentre au bercail,
On n'aura pas tort:
J'viens refaire le mort
A vos foires à la ferraille,
On aura raison:
J'viens r'faire le mouton
De Panurge... à la maison!