Un train de nuit, c'est déjà la province,
Un train de nuit, c'est déjà Quimperlé,
Les gens roupillent et les grosses roues grincent,
Comme sous le vent un vieux coq de clocher,
Y'a rien à boire: la nuit, on ne boit pas,
On dort fiston!, comme au village éteint,
Où, dans les lits de chêne, sous leurs draps,
Les hommes ronflent en rêvant de putains...
Un train de nuit, c'est une chambre d'hôtel,
Un train de nuit, ç'a un air provisoire,
Tu ne sais plus si dehors c'est la grêle,
Si c'est la pluie ou si c'est le brouillard,
Y'a rien à dire: la nuit, on ne dit rien,
On dort, fiston!, et, dans cette sale nuit,
Y'a pas un chat, pas une femme, pas un chien,
Qu'un insomniaque, qui gribouille à minuit...
Un train de nuit, c'est la p'tite mort-couchettes,
Les arrêts-cimetière, la campagne-tombeau,
Un train de nuit, c'est des paysages bêtes,
Des champs tout noirs, où y'a même plus d'corbeaux,
Y'a rien à faire: la nuit, on est inerte,
Tu sais, fiston!, c'est pareil que la vie,
Où l'on chemine, le long de rues désertes,
Désertes, comme les couloirs d'un train de nuit.