Certains jours j'aimerais bien être mon chien.
Bien au chaud dans l'édredon, je m'observerais froidement
A m'agiter paniqué chaque matin,
Et je me rendormirais à ce spectacle fatigant,
Puisque mon unique centre d'intérêt serait mon ventre,
Que mes seuls efforts seraient mon sommeil et ma digestion.
Mes recherches spirituelles mèneraient à ma gamelle.
J'aurais pour seul sujet de tourment et de méditation
La morphologie de mon os quotidien.
Quelquefois j'aimerais bien être mon chien!
Certains jours j'aimerais bien être mon chien.
Je ne me creuserais plus la tête en forme de fuseau,
Et en disposant d'un nez comme le sien,
Je reclasserais le monde à l'échelle de mon museau:
En personnes hautes ou rampantes,
En bon ou malodorantes.
Et quant aux lècheurs contre qui j'ai toujours eu une dent,
J'attendrais qu'ils me caressent,
Puis je leur mordrais les fesses,
Ce que je ne fais que dans les cas extrêmes actuellement,
Car l'état de ma denture est très moyen.
Quelquefois j'aimerais bien être mon chien!
Certains jours j'aimerais bien être mon chien,
Les mensonges les ragots me laisseraient indifférent.
On ne m'attrapperait plus comme un crétin
Dans ces discussions idiotes qui me font perdre mon temps.
Qu'on discute, qu'on débatte,
Je lèverais une patte
Pour montrer mon intéreèt, pour apporter mon argument.
Plus d'importunes visites,
Si ça sonnait j'irais vite
Aboyer derrière la porte et je dirais poliment:
«Désolé mais vous êtes venu pour rien,
Le patron est sorti et moi je suis le chien.»
Certains jours j'aimerais bien être mon chien:
J'aurais des tas d'avantages sans une ombre de souci,
Et tout compte fait j'accepterais fort bien
De manger dessous la table et de dormir au pied du lit.
Plus d'impôts, plus de contraintes,
De devoirs, d'ennuis, de craintes.
Mais en tant qu'homme il me reste un talent qui lui fait défaut:
Un don qu'il m'envie sans doute,
Ça le ronge et le déroute,
Car des nous deux je suis celui qui peut ouvrir le frigo.
Et je savoure ce geste quand je vois
Que parfois mon chien aimerait être MOI.